Paris, 26 juin
Le vol comme sport national ?
Le vol à l’université… le plagiat… La méritocratie assassinée
Les universités
Comment les universités albanaises sont devenues des refuges pour les clans et le plagiat
Dans les pays où l’éducation est le fondement du progrès et où la méritocratie guide chaque maillon du système, les universités deviennent des centres de savoir et d’innovation. En Albanie, malheureusement, c’est l’inverse qui se produit : les universités se sont transformées en bastions d’intérêts clientélistes, où la promotion académique ne se fait pas sur la base de contributions scientifiques, mais à travers des affiliations politiques, une loyauté envers les partis et une appartenance à des clans puissants. Cette situation a généré une profonde crise de légitimité et de confiance dans l’enseignement supérieur.
L’absence de méritocratie : Quand le parti remplace le savoir
Les postes de direction dans les universités albanaises – recteurs, doyens, chefs de département – ne sont bien souvent plus le fruit d’un processus compétitif fondé sur l’expérience académique ou la recherche scientifique. Au contraire, les nominations reflètent fréquemment des accords tacites entre groupes politiques ou universitaires qui se partagent le pouvoir institutionnel. Le clan et le parti remplacent les critères de savoir et d’intégrité, menant à la promotion de personnes souvent dépourvues de la formation académique ou de l’expérience nécessaire pour diriger.
Dans cette réalité, la soutenance de doctorats n’est plus un acte scientifique véritable, mais un simple rite de passage vers des titres et des postes. Dans de nombreux cas, ces thèses s’avèrent être des plagiats purs et simples, acceptés et tolérés par des structures qui cherchent à maintenir leurs équilibres internes.
Le plagiat comme fondement de carrière : Une maladie systémique
Selon les enquêtes et les accusations émises par le parquet spécial albanais (SPAK), près de 60 % des diplômes universitaires de troisième cycle en Albanie seraient issus de plagiat. Ce chiffre alarmant révèle non seulement une crise éthique profonde du système, mais aussi la légitimité entamée des figures qui dirigent les universités.
Le plagiat n’est plus une déviance individuelle : il est devenu un mécanisme institutionnalisé. C’est une forme de corruption intellectuelle qui est récompensée par des promotions et qui détruit toute possibilité de construire une véritable école de recherche en Albanie. Plutôt que d’être sanctionnés, les plagiaires gravissent les échelons, remplaçant les chercheurs intègres qui refusent de se compromettre.
Comme l’a souligné le sociologue français Pierre Bourdieu, les systèmes éducatifs ont tendance à reproduire les privilèges établis à travers des formes invisibles de violence symbolique, où les titres et l’autorité servent à légitimer le statu quo. En Albanie, cette logique est poussée à l’extrême, dépouillant l’enseignement supérieur de toute fonction émancipatrice.
Conséquences : Des universités fragiles et discréditées
Quand les dirigeants académiques manquent d’autorité morale et scientifique, les institutions qu’ils dirigent perdent toute légitimité. Les universités albanaises, enfermées dans des cercles de reproduction de l’incompétence, échouent à obtenir des financements de recherche internationaux, n’attirent pas de partenaires stratégiques et ne peuvent s’intégrer dans les réseaux universitaires mondiaux.
Les étudiants n’ont aucun modèle à suivre, et beaucoup subissent une éducation formelle qui ne correspond pas aux réalités du savoir contemporain. Les universitaires honnêtes et formés à l’étranger se heurtent à des obstacles, à l’ignorance institutionnelle, et souvent, à la nécessité d’émigrer.
Que faut-il changer ?
Le changement commence par le retour de la méritocratie au cœur du système académique. Cela implique :
-
L’annulation des diplômes obtenus par plagiat.
-
Des enquêtes indépendantes et transparentes sur les processus académiques.
-
Des nominations fondées sur la production scientifique, et non sur l’appartenance politique.
-
La création de mécanismes réels de contrôle de la qualité de la recherche et de l’éthique académique.
-
L’intégration d’évaluations internationales dans la structure de promotion universitaire.
Sans une réforme profonde et courageuse, les universités albanaises continueront de fonctionner comme des structures fragiles, fermées et irresponsables. Et surtout, elles continueront de produire non pas du savoir, mais un pouvoir non mérité.
Le vol comme sport national ? Quand le plagiat devient la norme
“Le vol comme sport national ?” – une question qui mérite d’être posée de plus en plus souvent dans le discours public albanais. Au lieu d’être considéré comme un acte honteux et inacceptable, le vol intellectuel dans les universités – par le biais du plagiat – est banalisé, normalisé, et dans certains cas, (sous cape, accepté et encouragé) comme une « solution pratique » pour accélérer sa carrière.
“Le plagiat ? Tout le monde le fait ! Personne ne va réinventer la roue !” – ce n’est pas rare d’entendre cette phrase, qui illustre parfaitement comment ce phénomène s’est enraciné dans le mental collectif académique. Des enseignants qui copient, des doctorants qui achètent leurs thèses, des commissions qui ferment les yeux – toute une chaîne de complicité dans la fraude, qui produit des titres mais pas de savoir.
Lorsque les universités tolèrent le vol, quel message envoient-elles aux étudiants ? Que l’honnêteté est pour les perdants, et que le succès s’obtient en manipulant le système ? Ainsi, le plagiat cesse d’être un simple problème universitaire – il devient le miroir d’une culture plus large de l’irresponsabilité, où la triche n’est pas punie, mais imitée.
Des fonds européens non exploités : Une perte silencieuse
Chaque année, l’Union européenne alloue des millions d’euros de subventions pour le développement de l’éducation, de la recherche, de l’innovation et de secteurs stratégiques comme l’agriculture, où les universités et les instituts de recherche jouent un rôle clé. Malheureusement, les universités albanaises bénéficient rarement de ces financements, en raison du manque de capacités professionnelles, d’infrastructures adaptées et, surtout, de l’absence de méritocratie dans la gouvernance.
Un exemple concret vient du secteur agricole : la Serbie reçoit jusqu’à 300 000 euros par an à travers un programme de l’UE dédié à la recherche agricole, dont bénéficie directement l’Institut de l’agriculture de Novi Sad.
Pendant ce temps, en Albanie, l’Institut de l’agriculture ou les facultés concernées manquent de partenariats internationaux, soumettent des candidatures faibles et souffrent d’incompétence managériale, laissant ainsi des millions d’euros inemployés. Ce n’est pas seulement une perte économique – c’est une perte de développement, de savoir et d’espoir pour les générations futures.
Note : Ceci est un coup de projecteur rapide sur des points qui mériteraient d’être développés davantage…
https://www.rts.ch/info/culture/musiques/10279611-le-plagiat-une-longue-histoire-dinterpretations.html