Paris, le 16 novembre 2016
Le récit de Mitrush Kuteli et particulièrement le courte récit Mon Village sait boire le raki est écrit dans la tradition littéraire de la Renaissance Albanaise qui est inspirée (plus tardivement) par la Renaissance Européenne. Il est dans la veine de Boccaccio, Rabelais, Cervantès, mais aussi de Gogol. Il a le caractère d’une sorte de réalisme grotesque, utilisant dans une large proportions les procédés populaires et les couleurs locales qui tiennent à la fois du conte, de la parodie mais qui préfigurent le roman réaliste, satirique. Son récit atteint son apogée dans des nouvelles comme L’automne de Djeladin Bey, d’un grotesque inimitable et jamais dépassé donnant naissance à la prose moderne albanaise.
Dans le récit Mon Village sait boire le raki l’auteur se veut provocateur, mais aussi héritier de la mémoire sociale de ses contemporains. Dans ce désir de sortir de sa vie dans l’échappatoire de l’alcool, tout est mis en œuvre pour anoblir et justifier la consommation d’alcool. En élaborant une écriture fantasmatique, Kuteli dépasse les frontières nationales pour atteindre l’universalité. Son récit se lit aisément et son humour s’adresse au lecteur qu’il convie à boire du raki sans remettre en question le cadre légal, les convictions ni les bonnes mœurs du pays traditionnel.
Le raki est pour les albanais ce que le vin est pour les français. Aussi dans une région comme la Normandie, le calvados, l’eau-de-vie, qui n’est rien d’autre que le raki de pommes, a été longtemps surnommé « le lait qui fait les mâles ».
Dans ce contexte ce récit prend une résonance particulière contemporaine en France : « D’autres, ailleurs, se comportent comme nous. Ont-ils (et avons-nous) raison de penser ainsi ? Et le raki semble offrir un paradis pour tous grâce au talent de l’auteur.