Géraldine, reine éphémère, force l’admiration par son style et son courage

“ […] le régime [totalitaire] qui invectivait [le] souverain ne s’en est jamais pris à son épouse, gardant le silence et s’abstenant de salir celle que l’on suenomma la “rose blanche de Hongrie”, très tôt déracinée, coupée de sa terre d’adoption” Eric Faye

KLARA BUDA
Courtesie de la famille Royale de l’Albanie

La reine Géraldine, née comtesse Apponyi, à Budapest en 1915, aurait fêté ses 100 ans ce 6 août 2015.

Josephine Dedet lui a consacrée une biographie: Géraldine Reine Des Albanais préfacée par Eric Faye, écrivain francais, laureat du Grand prix du roman de l’Académie française.

Cette biographie parue en français pour la première fois chez Criterion, en février 1997, a fait l’objet d’une deuxième édition en 2012 chez Belfond, toujours en France, à l’occasion du centenaire de l’indépendance de l’Albanie.  Le livre sortira dans sa version hongroise aux Éditions Europa le 27 août et sera presentée à Budapest, le 8 Septembre 2015 en présence de l’auteure.

Geraldine-en - hungrois

Joséphine Dedet a bien connu la reine, et son livre est fondé sur son témoignage direct et ses archives, nourri par les témoignages de ses proches et de témoins de cette époque. Il avait fait l’objet en 1997 pour sa première sortie en France d’importantes émissions de radio, dont une heure avec Frédéric Mitterrand sur Europe 1 et La Tribune de l’Histoire avec Alain Decaux.

Toutes les études sont unanimes, Géraldine, reine éphémère, force l’admiration par son style et son courage.

Le roi Zog avait déjà fait voter la reforme de l’émancipation de la femme (interdit le férédjé, le voile intégral) et décrété l’état laïque, quand elle est venue en Albanie. Pendant son court règne elle est devenue un modèle feminin et a inspiré une nouvelle mode de s’habiller et de se coiffer dans une Albanie qui sortait juste de la période médiévale. 1

[…] le régime [totalitaire] qui invectivait [le] souverain ne s’en est jamais pris à son épouse, gardant le silence et s’abstenant de salir celle que l’on surnomma la “rose blanche de Hongrie”, très tôt déracinée, coupée de sa terre d’adoption”, écrit Eric Faye dans la préface de sa biographie.

Skender Zogu, neveu du Roi Zog et ingénieur de profession a consacré toute sa vie à la famille royale. Il n’est pas le seul d’avoir de l’admiration pour La Reine Géraldine:” Le rôle de la Reine Geraldine était certes important et s’est fait vraiment ressentir en exil. Elle aidait les démarches diplomatiques du Roi et grâce à ses contacts facilitait la communication avec les familles royales régnantes ou en exil. Ses connaissances linguistiques lui attiraient des observateurs divers et son rôle humanitaire pour venir en aide aux réfugiés furent des qualités appréciables. Elle fut une vraie épouse albanaise dévouée à la nation albanaise, à son mari et à sa famille. Elle fut une personne très pieuse et généreuse. Ses rencontres avec Mère Theresa et le Pape Jean Paul XXIII remplirent sa vie chrétienne. Elle exprima le désir de rentrer dans son pays l’Albanie ou elle voulut terminer sa vie. Dieu lui accorda ce vœux ce qui remua le cœur des Albanais. Le retour des cendres de son cher époux dans sa patrie la réunissait pour toujours avec ses proches et pour l’éternité avec le Pays des Aigles.”

Dans mon roman Chloroforme ( fiction, qui place les événements dans le totalitarisme albanais, Dudaj, 2010) “les amis” (  groupe des étudiants) parlent des faits réels concernant le  destin de la famille Royale de l’Albanie, dont les photos avaient disparu des manuels scolaires  et les documents historiques la concernant, quand ils n’avaient pas été détruits, se trouvaient reclus dans les réserves des bibliothèques; voila un extrait:

Les amis finirent par se ménager là ( à la cave), entre les meubles entassés les uns sur les autres, un cadre familier, y descendant les verres et rallumant, comme sortis d’un long sommeil, les vieux candélabres aux moulures argentées. Toute une série d’objets, relégués dans le même oubli, émergèrent alors, à la pâle lueur des bougies.

Une collection de tableaux, emballés dans des cartons et adossés au mur, en pile horizontale, occupaient une moitié du local.

— La meilleure façon de libérer de la place, c’est encore de les accrocher, suggéra Alma, tout en considérant les emballages.

— Comment cela ? fit Max, en indiquant le mur des yeux, lui qui n’était guère bricoleur. Puis se rappelant vaguement le sujet de chaque tableau, non, maintint-il, les accrocher n’est pas la bonne solution. Et il se contenta de les déplacer, lisant l’une après l’autre les étiquettes collées avec soin par son père. L’un des cartons, dans la manœuvre, vint à glisser au sol, découvrant à ses yeux un visage de femme: le portrait officiel de Géraldine Apponyi, devenue reine des Albanais en 1938.

— Qui est cette dame? demanda Alma.

— C’est ma grand-mère, ma grand-mère maternelle, répondit Max, après un temps d’hésitation, préférant anticiper toute complication inutile. Puis il rabattit les pans du carton d’emballage, le plus étroitement possible, afin de celer le portrait, vu le nombre d’invités qu’il avait ce soir-là. Mais la parade fut sans effet, car Alma s’approcha et rouvrit le carton afin d’observer plus à loisir cette tête, sous son diadème d’or, qu’elle n’avait fait qu’effleurer des yeux.

— Ta mère lui ressemble, en effet, fit-elle.

— Ah, bon! fit Max, qui ne savait en quel sens interpréter ce propos d’Alma, dont le visage restait impassible.

Les portraits de la famille royale avaient disparu des manuels scolaires depuis trois décennies déjà, et les documents historiques la concernant, quand ils n’avaient pas été détruits, se trouvaient reclus dans les réserves des bibliothèques.

Est-ce bien l’impression qu’elle a eue ? La reine a sans doute incarné, alors, un type d’élégance féminine, mis à la mode les cheveux courts, par sa propre façon de se coiffer. Les portraits de femme de l’époque se ressemblent tous, comme deux gouttes d’eau. Impossible, pourtant, de ne pas reconnaître la couronne royale et la beauté de Géraldine, reine éphémère, elle n’aura pas été sans remarquer l’emblème de Scanderbeg!“2

[1] Josephine Dedet, Géraldine Reine Des Albanais,  Belfond, 2012, 2e édition enrichie, pages 168-170, 174-175.

[2] Klara Buda, Chloroforme – Roman, Botimet Dudaj, ISBN 978-99943-0-139-3

VERSION ALBANAISE