“On se demande donc ce que fera celle qui se présente désormais comme une gentille mamie confitures tout occupée à gâter ses chats, quand le jour viendra d’affronter de vrais fauves, Poutine en particulier.” C. Arnaud
Paris, le 19 avril, 2022
En attendant le 24 avril
Avec ses mensonges et ses impasses, la sale guerre engagée par Vladimir Poutine en Ukraine est un cas d’école éclairant les ressorts du national-populisme. Après avoir flatté son peuple en lui rappelant sa grandeur et l’étendue passée de son empire, un autocrate veut atteindre des sommets de popularité en engageant une nouvelle guerre afin d’ »offrir » à ce même peuple une nouvelle victoire. Ce narcissisme en miroir – « Tu m’aimes parce que je suis fort, je t’aime parce que tu es grand », – fonctionne généralement bien, jusqu’aux premières défaites annonciatrices de l’effondrement. Qu’importe que Grozny ait été rasée durant la seconde guerre de Tchétchénie, la Géorgie amputée, Alep martyrisée lors de la guerre civile syrienne, le nouveau tsar arrache avec les dents des territoires perdus de l’ex-Empire tsariste ou soviétique pour les déposer aux pieds de son peuple.
Ce contrat obscène est assuré d’un succès certain, en Histoire : sans comparer l’incomparable, c’est Napoléon « offrant » au peuple français un tiers de l’Europe, plus que Louis XIV et Charlemagne réunis, en mettant sur le trône ses frères et soeurs; c’est Mussolini « rendant » aux Italiens la Libye et la Tunisie que contrôlait l’Empire romain, avant une partie de la Somalie, l’Ethiopie et l’Erythrée; c’est Hitler restituant aux Allemands la grandeur que le traité de Versailles leur a confisqué, en leur offrant l’Autriche, la Pologne, les pays Baltes, avant la Hollande, la Belgique, la France and so on – la liste serait trop longue pour ce post; c’est Staline « rendant » à l’URSS la Pologne et les pays Baltes après avoir tenté d’annexer la Finlande et avant de manger la Moldavie et de phagocyter l’Albanie, la Yougoslavie, la Roumanie, la Bulgarie, la Tchécoslovaquie…
Ces prédations s’avèrent efficaces, dans un premier temps: Napoléon, Mussolini, Staline et Hitler ont été adulés par une partie de leur peuple, Hitler, le plus violent, a même été le plus aimé. Nul doute que si Marine Le Pen était élue le 24 avril, elle gagnerait à mettre en place un même narcissisme à deux – « Tu m’aimes parce que je dis tout haut ce que tu n’oses avouer, je t’aime parce que ta grandeur restaurée va assurer ma postérité ». On se demande donc ce que fera celle qui se présente désormais comme une gentille mamie confitures tout occupée à gâter ses chats, quand le jour viendra d’affronter de vrais fauves, Poutine en particulier. On peut penser qu’elle ne s’opposera pas sérieusement à lui, au vu des liens étroits qu’ils ont tissés. Elle pourrait même être tentée de jouer cette carte de la grandeur retrouvé, par association :on commence par crier « On est chez nous », on finit par s’installer chez les autres…
Et toujours l’autocrate populiste se targue d’être fils ou fille du peuple: Staline, Hitler, Poutine, Le Pen, c’est toujours la même rengaine, je suis des vôtres, je vous défends contre les forces de l’argent, je suis le peuple. Le peuple n’existe qu’aux moments brûlants de l’Histoire – révoltes, refus d’occupation, célébration de victoires : il est le reste du temps le levier des dictateurs, des terroristes et des nationaux-populistes. Dans les pays libres, il est une addition de citoyens souverains qui, espérons-le, ne se tromperons pas dimanche prochain.
Paris, le 19 avril, 2022