Localisation de la Via Egnatia : Macédoine plutôt qu’Illyrie ?
La confusion fréquente entre les territoires de l’Illyrie et ceux de la Macédoine dans l’Antiquité tardive tient au fait que les deux entités ont connu des fluctuations territoriales importantes, particulièrement à l’époque romaine. Toutefois, si l’on s’en tient aux sources antiques et aux découpages administratifs romains, il est historiquement justifié de situer la Via Egnatia principalement en Macédoine.
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Strabon, dans sa Géographie (Livre VII), situe clairement Dyrrhachium (Durrës) et Apollonia dans la partie occidentale de la Macédoine, au moment où il écrit (début du Ier siècle ap. J.-C.). Il décrit la Macédoine comme s’étendant de l’Adriatique jusqu’à la Thrace, englobant ainsi le tracé principal de la Via Egnatia.
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Ptolémée (IIe siècle ap. J.-C.) suit une logique similaire en intégrant plusieurs cités de l’Albanie actuelle dans la Macedonia Salutaris ou la Macedonia Prima, en distinguant ces zones des territoires traditionnellement illyriens situés plus au nord (Dalmatie, Pannonie).
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La division administrative romaine après Auguste a intégré une partie de la côte adriatique dans la province de Macédoine, tandis que l’Illyrie proprement dite (Illyricum) était cantonnée à la zone nord-occidentale des Balkans. D’ailleurs, Pline l’Ancien parle des Illyrii proprie dicti, limités à un espace plus septentrional, autour de la Dalmatie actuelle.
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Enfin, dans la perspective de l’apôtre Paul, qui parle dans l’Épître aux Romains d’avoir prêché jusqu’en Illyrie, cette appellation renvoie davantage à une limite culturelle ou spirituelle, non à une réalité géopolitique fixe. Le mot “Illyrie” dans son usage néotestamentaire est souvent générique et désigne les confins occidentaux de sa mission — sans correspondre à une carte ethnique ou administrative précise.
Ainsi, il est historiquement fondé de considérer que la Via Egnatia, dans sa plus grande partie, traversait la Macédoine romaine, et non l’Illyrie proprement dite. L’usage du terme “Illyrie” par Paul relève davantage d’un langage spirituel ou géographique biblique, et non d’une référence à une frontière antique rigide. Cette distinction est essentielle pour ne pas surcharger d’enjeux identitaires contemporains des termes qui, à l’époque, avaient un tout autre usage.