“Depuis des années, on assiste, en France et en Europe en général, à un phénomène croissant de révisionnisme concernant les crimes commis lors de la dernière guerre en ex-Yougoslavie et les crimes perpétrés par le régime communiste dans l’ex-bloc de l’Est.
Ce révisionnisme, dans le cas du Kosovo, est soutenu par l’extrême droite française, à tel point que Marion Maréchal déclare à la télévision française :
“C’est la démographie qui fait l’histoire, il suffit de regarder le Kosovo. Ce pays majoritairement serbe orthodoxe a été colonisé pendant des décennies par des Albanais musulmans. »
Le journaliste français, qui manque un minimum de connaissance historique sur les peuples européens autochtones, ne la corrige pas !
Dans la Gazette online klarabudapost.com nous commençons la publication d’une rubrique particulière dans laquelle nous invitons des universitaires, des philosophes, des militants des droits de l’homme et des témoins à répondre au « révisionnisme » historique et au changement des paradigmes sur les crimes commis lors de la dernière guerre dans les Balkans, et les crimes du communisme dans l’ex-bloc de l’Est et particulièrement en Albanie.
Récemment, des chercheurs et activistes d’extrême gauche ont produit des dissertations et des mémoires dans lesquels ils tentent de faire croire (leur auto-fiction à l’appui) que l’absence de libertés individuelles dans l’Albanie stalinienne est comparable à l’absence actuelle de libertés individuelles en Grande-Bretagne ou en France. Des écrivains albanais de renom avaient déjà relativisé, en France, les crimes du communisme, créant ainsi un dangereux précédent dans l’école de la désinformation et risquant de faire naitre une vraie culture du mensonge et de complaisance avec le régime stalinien en Albanie.
Il est temps d’informer de manière érudite et objective sur la vérité et de s’opposer à ce révisionnisme historique. C’est pour cela que j’ai fondé Les Études Albanaises, (French-Albanian studies), une revue bisannuelle* publiée par les Éditions Bilingue dans le cadre de l’Institut français d’études albanaises de Paris.”
Klara Buda
Le premier invité est Muhamedin Kullashi de l’Académie du Kosovo.
Nous publions sa réponse à l’article: « Kosovo : l’insoutenable légèreté de l’information», publié dans le revue Le Débat, dirigé par Marcel Gauchet et Pierre Nora.
L’article d’Élisabeth Lévy, publié dans le numéro 109 de mars-avril 2000 de la revue Le Débat, « Kosovo : l’insoutenable légèreté de l’information », est un cas exemplaire du phénomène de révisionnisme. Pour apporter une explication objective de la question du Kosovo, Marcel Gauchet et Pierre Nora firent appel à une journaliste qui s’est rendue notoire par sa volonté de nier le “nettoyage ethnique” et les crimes aussi bien en Bosnie qu’au Kosovo.
L’article de la revue Le Débat se veut une analyse critique des médias qui ont couvert les événements au Kosovo. Elle fait étalage des nombreuses précautions méthodologiques nécessaires pour “la production de l’information” et qui auraient fait défaut à la quasi-totalité des médias, non seulement en France, mais dans le monde entier. Elle construit une image de tous les médias qui auraient apporté une présentation univoque et unilatérale de la situation au Kosovo. Même un souvenir superficiel de la lecture de la presse mondiale sur ces événements pourrait difficilement donner corps à une approche aussi univoque. On pourrait dire plutôt qu’on a pu trouver dans la presse une multiplicité de points de vue, de grilles de lecture, des polémiques et des divergences, des doutes et des réserves, sur les divers aspects de la question du Kosovo. Élisabeth Lévy affiche sa volonté de prendre en compte la complexité historique, son refus de transformer les hypothèses en certitudes (car « l’incertitude du réel ne se laisse pas toujours dompter par la vérité médiatique ») et son besoin « de savoir ce qui s’est vraiment passé », bien qu’elle n’ait jamais mis les pieds au Kosovo. Il est indéniable que, par cette introduction, la journaliste de Marianne, “sourcilleuse gardienne de la vérité factuelle”, réussit à éveiller chez nous une curiosité par la promesse qu’elle nous fait de nous apporter une analyse critique des médias et, notamment, de leurs défauts dans l’interprétation des faits d’une réalité historico-politique complexe.
L’échantillon des titres de la presse écrite en France (« Kosovo : les preuves du crime contre l’humanité » ou « Kosovo : l’abominable vérité »), dix jours après l’entrée des troupes de l’Otan, donne l’occasion à Élisabeth Lévy de critiquer la précipitation avec laquelle les journalistes définissent la situation au Kosovo : « dix jours pour savoir ». Comme si, avant, il n’y avait pas d’enquêtes sur les crimes au Kosovo. Le rapport de la commission de l’O.S.C.E., publié à Vienne le 21 janvier 1999, constate la réalité du « crime contre l’humanité » au Kosovo. Oublier ces faits connus n’est pas la meilleure façon de montrer “le simple souci des faits”.
Dans sa « volonté de savoir ce qui s’est vraiment passé »(p. 5) au Kosovo, elle constate qu’aujourd’hui « on ne dispose que de données fragmentaires », plusieurs “charniers supposés” pouvant être apparentés à des “petits Timisoara”. Le ton de son analyse critique est ainsi déjà donné. En fait, le T.P.I. a recensé plus de 500 charniers, dont plus de 190 ont été ouverts jusqu’à la fin de 1999. Le dernier charnier ouvert en automne 1999 contenait 80 cadavres, selon la déclaration de Bernard Kouchner. L’autre charnier, ouvert fin avril 2000, contient plus de 50 morts. Élisabeth Lévy affirme que, « dans la plupart des cas, les sites visités contiennent moins de cinq corps ». Ainsi, elle falsifie même les données qu’elle donne pour véridiques : 2.108 cadavres exhumés dans 195 fosses communes. S’il y avait dans chaque fosse moins de cinq cadavres, comment arriverait-on au chiffre de 2.108.? Cette “difficile comptabilité du crime” la pousse à conclure qu’il s’agit de « crimes individuels plutôt [que] des massacres planifiés (p. 6) ».
Cette conclusion sur le caractère des opérations menées par le régime de Belgrade montre assez vite “l’objectivité” de son analyse : les nombreuses enquêtes des experts des droits de l’homme (ces porteurs de la “fausse conscience”), effectuées par différents organismes internationaux, sur le terrain (dont la F.I.D.H.,), la Fédération Internationale d’Helsinki, Amnesty International, Human Rights Watch, Médecins sans frontières, etc.…), montrent de façon convaincante que dès le début des opérations dans la Drenica, en février 1988, les crimes avait un caractère massif et que les victimes, la plupart du temps, étaient des civils. Selon les rapports de ces organismes, dans la Drenica furent décimées des familles entières, depuis les bébés jusqu’aux vieillards de quatre-vingt-dix ans. De la même manière, la répression des années 1980 du régime de Belgrade ne se résume en rien à des actes individuels et isolés, mais concerne toute la population albanaise, sans distinction d’âge, de sexe ou de profession.La lecture des rapports et analyses nombreuses des organismes internationaux le confirme.
L’institution du système d’apartheid au Kosovo en 1989-1990 impliquait le « nettoyage ethnique » de toutes les institutions des Albanais. Cette entreprise montre clairement la nature de la politique du régime serbe envers le Kosovo : le caractère planifié est lisible dans son application, durant plus d’une décennie. La découverte des charniers en Serbie et la destruction des traces des crimes au Kosovo, par les officiels serbes, sont bien des preuves du caractère planifié du crime.
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Photo du monument sur la mémoire, Lubeniq, Kosovo, avec l’autorisation d’Agron Bobi.
*Le titre de la revue est provisoire, toute proposition est bienvenu!