Boston, le 08 october 2015
Le prix Nobel de la littérature revient cette année à Svetlana Alexievitch pour son « œuvre polyphonique, mémorial de la souffrance et du courage à notre époque ». Elle succède ainsi au français Patrick Modiano, lauréat en 2014 pour son œuvre « L’art de la mémoire avec lequel il a dévoilé le monde de l’Occupation ».
Svetlana Alexievitch est née le 31 mai 1948 dans l’ouest de l’Ukrained’un père biélorusse et d’une mère ukrainienne. Elle est une ancienne journaliste. L’auteure a écrit plusieurs romans par le passé, dont certains ont été censurés en Biélorussie, plus particulièrement : « Les Cercueils de zinc (1990) » et « La Supplication. Tchernobyl, chronique du monde après l’apocalypse (1997) ».
Dans une interview accordée à RFI en 2013, elle s’exprimait sur la censure de ses œuvres dans son pays, la Biélorussie : « Je suis protégée par le fait que je sois connue. Malgré tout, je dis ce que je crois nécessaire de dire. Malgré tout, j’écris ces livres. Que ça plaise au pouvoir ou non. Et je sais qu’il y aura toujours des gens qui vont les lire, pour qui ce sera un soutien. (…) Aujourd’hui, mes livres publiés en Russie ont été introduits en Biélorussie, (…) ma fille qui est professeure dans une école perçoit un salaire de 300 euros (…) mon livre coûte 30 euros, c’est aussi un moyen de censure. Des personnes cependant en achètent plusieurs exemplaires, et se le passent ensuite. Mon lectorat principal, les enseignants, les médecins, les représentants de l’intelligentsia sont aujourd’hui la partie la plus pauvre de la société ».
D’après Sara Danius, secrétaire permanent de l’Académie suédoise, le prix Nobel a été attribué à Svetlana Alexeivitch pour les raisons suivantes : « Elle a trouvé de nouveaux chemins littéraires. Elle a mené des centaines et des centaines d’interviews d’enfants, de femmes et d’homme d’une façon systématique que nous ne connaissions guère. Les événements historiques comme la catastrophe de Tchernobyl ou la guerre en Afghanistan sont un prétexte pour cartographier l’homme à l’époque soviétique et post soviétique. Ce n’est pas vraiment une histoire des événements mais une histoire d’émotions. C’est une œuvre qui touche, elle vous approche au plus près de l’humain.»
La première réaction de la lauréate pour ce prix a été : « Fantastique ! ». Ce prix est fantastique parce que c’est une revanche aussi contre tout système censurant la liberté d’expression. C’est fantastique pour l’ensemble de la communauté internationale opprimée qui peut toujours avoir une lueur d’espoir qu’un jour leur liberté d’expression cessera d’être censurée. En parlant du prix Nobel, Svetlana Alexeivitch disait pour le journal suédoisSvenska Dagbladet : « Le régime de Minsk va être obligé de m’écouter. Il y a tellement de personnes fatiguées qui n’ont plus la force de croire. Le prix peut signifier quelque chose pour eux ». Ce prix signifiera quelque chose non seulement pour les biélorusses, mais aussi pour l’ensemble des citoyens opprimés.