Ce haïku condense, en trois vers, une tension profonde entre le visible et l’invisible, entre ce que l’on paraît et ce que l’on est. Les graines noires de pavot représentent ce qui agit en nous sans se montrer : désirs enfouis, pulsions muettes, émotions troubles — autrement dit, l’inconscient. Elles sont petites, mais puissantes. Leur effet est intérieur, souterrain, incontrôlable.
Face à elles, le champ trop rouge évoque le monde de l’apparence : éclatant, codé, saturé de symboles. On y lit le féminin, la séduction, l’image attendue. Ce trop rouge signale un excès — comme si l’identité visible était surjouée, presque imposée. Le contraste entre le noir caché et le rouge criant révèle une fracture : celle entre l’identité intérieure, complexe, et l’identité sociale, souvent figée par des normes de genre.
Dans cette tension, le sujet du haïku chancelle. L’ivresse n’est pas euphorique, elle est vertigineuse. Elle dit le trouble de l’identité — quand le genre devient masque, quand l’inconscient résiste, quand ce que l’on ressent ne rentre plus dans ce que l’on montre.
Ce haïku, en quelques mots, capte un vrai paradoxe humain : notre moi n’est jamais unifié. Il vacille entre ce qu’on incarne, ce qu’on refoule, et ce qu’on n’ose pas encore être.
©KBP